Littérature, Extraits

 

 

Dix auteurs ont été choisis. Nous avons essayé de présenter les extraits dans un ordre qui facilitera l’apprentissage.

We have tried to present the chosen extracts in a different order than originally planned by the group who designed the syllabus. This presentation will help the learner to attempt the easy extracts first.

 

Auteur

Extrait de

1.Jacques Prévert Le déjeuner du matin
2. Antoine de Saint Exupéry Le petit prince
3. Guy de Maupassant Le parapluie
4. Eugène Ionesco La cantatrice chauve
5. Marguerite Duras L’amant
6. Paul Verlaine Chanson d’automne,Il pleure dans mon cœur,Le ciel est pardessus le toit
7.Victor Hugo Les Misérables
8. Molière Le médecin malgré lui
9. Jean-Jacques Rousseau Emile ou de l’éducation : « A quoi sert cela ? »
10. Jean de la Fontaine La mort et le bûcheronLa grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf

 


1. Déjeuner du matin

Jacques Prévert

MARLENE DIETRICH-DÉJEUNER DU MATIN

 

 

 

Il a mis le café

Dans la tasse

Il a mis le lait

Dans la tasse de café

Il a mis le sucre

Dans le café au lait

Avec la petite cuiller

Il a tourné

Il a bu le café au lait

Et il a reposé la tasse

Sans me parler

 

Il a allumé

Une cigarette

Il a fait des ronds

Avec la fumée

Il a mis les cendres

Dans le cendrier

Sans me parler

Sans me regarder

 

Il s’est levé

Il a mis

Son chapeau sur sa tête

Il a mis son manteau de pluie

Parce qu’il pleuvait

Et il est parti

Sous la pluie

Sans une parole

Sans me regarder

 

Et moi j’ai pris

Ma tête dans ma main

Et j’ai pleuré

 

2. Le petit prince  d’ Antoine de Saint Exupéry

L’extrait

 

Pour visionner l’extrait avancer la video jusqu’à  1.10.50

 

3. LE PARAPLUIE DE MAUPASSANT

Madame Oreille était économe. Elle savait la valeur d’un sou et possédait un arsenal de principes sévères sur la multiplication de l’argent. Sa bonne, assurément, avait grand mal à faire danser l’anse du panier ; et M. Oreille n’obtenait sa monnaie de poche qu’avec une extrême difficulté. Ils étaient à leur aise, pourtant, et sans enfants ; mais Mme Oreille éprouvait une vraie douleur à voir les pièces blanches sortir de chez elle. C’était comme une déchirure pour son cœur ; et, chaque fois qu’il lui avait fallu faire une dépense de quelque importance, bien qu’indispensable, elle dormait fort mal la nuit suivante.

Oreille répétait sans cesse à sa femme :

– Tu devrais avoir la main plus large, puisque nous ne mangeons jamais nos revenus.

Elle répondait :

– On ne sait jamais ce qui peut arriver. Il vaut mieux avoir plus que moins.

C’était une petite femme de quarante ans, vive, ridée, propre et souvent irritée.

Son mari, à tout moment, se plaignait des privations qu’elle lui faisait endurer. Il en était certaines qui lui devenaient particulièrement pénibles, parce qu’elles atteignaient sa vanité.

Il était commis principal au Ministère de la guerre, demeuré là uniquement pour obéir à sa femme, pour augmenter les rentes inutilisées de la maison.

Or, pendant deux ans, il vint au bureau avec le même parapluie rapiécé qui donnait à rire à ses collègues. Las enfin de leurs quolibets, il exigea que Mme Oreille lui achetât un nouveau parapluie. Elle en prit un de huit francs cinquante, article de réclame d’un grand magasin. Les employés, en apercevant cet objet jeté dans Paris par milliers, recommencèrent leurs plaisanteries, et Oreille en souffrit horriblement. Le parapluie ne valait rien. En trois mois, il fut hors de service, et la gaieté devint générale dans le Ministère. On fit même une chanson qu’on entendait du matin au soir, du haut en bas de l’immense bâtiment.

Oreille, exaspéré, ordonna à sa femme de lui choisir un nouveau riflard, en soie fine, de vingt francs, et d’apporter une facture justificative.

Elle en acheta un de dix-huit francs, et déclara, rouge d’irritation, en le remettant à son époux :

– Tu en as là pour cinq ans au moins.

Oreille, triomphant, obtint un vrai succès au bureau.

Lorsqu’il rentra le soir, sa femme, jetant un regard inquiet sur le parapluie, lui dit :

– Tu ne devrais pas le laisser serré avec l’élastique, c’est le moyen de couper la soie. C’est à toi d’y veiller, parce que je ne t’en achèterai pas un de sitôt.

Elle le prit, dégrafa l’anneau et secoua les plis. Mais elle demeura saisie d’émotion. Un trou rond, grand comme un centime, lui apparut au milieu du parapluie. C’était une brûlure de cigare !

Elle balbutia :

– Qu’est-ce qu’il a ?

Son mari répondit tranquillement, sans regarder :

– Qui, quoi ? Que veux-tu dire ?

La colère l’étranglait maintenant ; elle ne pouvait plus parler :

– Tu… tu… tu as brûlé… ton… ton… parapluie. Mais tu… tu… tu es donc fou !… Tu veux nous ruiner !

Il se retourna, se sentant pâlir :

– Tu dis ?

– Je dis que tu as brûlé ton parapluie. Tiens !…

Et, s’élançant vers lui comme pour le battre, elle lui mit violemment sous le nez la petite brûlure circulaire.

Il restait éperdu devant cette plaie, bredouillant :

– Ça, ça… qu’est-ce que c’est ? Je ne sais pas, moi ! Je n’ai rien fait, rien, je te le jure. Je ne sais pas ce qu’il a, moi, ce parapluie !

Elle criait maintenant :

– Je parie que tu as fait des farces avec lui dans ton bureau, que tu as fait le saltimbanque, que tu l’as ouvert pour le montrer.

Il répondit :

– Je l’ai ouvert une seule fois pour montrer comme il était beau. Voilà tout. Je te le jure.

 

Le parapluie – lire la nouvelle

 

Version anglaise

THE UMBRELLA

Mme. Oreille was a very economical woman; she knew the value of a centime, and possessed a whole storehouse of strict principles with regard to the multiplication of money, so that her cook found the greatest difficulty in making what the servants call their market-penny, and her husband was hardly allowed any pocket money at all. They were, however, very comfortably off, and had no children; but it really pained Mme. Oreille to see any money spent; it was like tearing at her heartstrings when she had to take any of those nice crown-pieces out of her pocket; and whenever she had to spend anything, no matter how necessary it might be, she slept badly the next night.

Oreille was continually saying to his wife:

“You really might be more liberal, as we have no children, and never spend our income.”

“You don’t know what may happen,” she used to reply. “It is better to have too much than too little.”

She was a little woman of about forty, very active, rather hasty, wrinkled, very neat and tidy, and with a very short temper.

Her husband frequently complained of all the privations she made him endure; some of them were particularly painful to him, as they touched his vanity.

 

He was one of the head clerks in the War Office, and only stayed on there in obedience to his wife’s wish, to increase their income which they did not nearly spend.

For two years he had always come to the office with the same old patched umbrella, to the great amusement of his fellow clerks. At last he got tired of their jokes, and insisted upon his wife buying him a new one. She bought one for eight francs and a half, one of those cheap articles which large houses sell as an advertisement. When the men in the office saw the article, which was being sold in Paris by the thousand, they began their jokes again, and Oreille had a dreadful time of it. They even made a song about it, which he heard from morning till night all over the immense building.

Oreille was very angry, and peremptorily told his wife to get him a new one, a good silk one, for twenty francs, and to bring him the bill, so that he might see that it was all right.

She bought him one for eighteen francs, and said, getting red with anger as she gave it to her husband:

“This will last you for five years at least.”

Oreille felt quite triumphant, and received a small ovation at the office with his new acquisition.

When he went home in the evening his wife said to him, looking at the umbrella uneasily:

“You should not leave it fastened up with the elastic; it will very likely cut the silk. You must take care of it, for I shall not buy you a new one in a hurry.”

She took it, unfastened it, and remained dumfounded with astonishment and rage; in the middle of the silk there was a hole as big as a six-penny- piece; it had been made with the end of a cigar.

“What is that?” she screamed.

Her husband replied quietly, without looking at it:

“What is it? What do you mean?”

She was choking with rage, and could hardly get out a word.

“You–you–have–burned–your umbrella! Why–you must be–mad! Do you wish to ruin us outright?”

He turned round, and felt that he was growing pale.

“What are you talking about?”

“I say that you have burned your umbrella. Just look here.”

And rushing at him, as if she were going to beat him, she violently thrust the little circular burned hole under his nose.

 

He was so utterly struck dumb at the sight of it that he could only stammer out:

 

“What-what is it? How should I know? I have done nothing, I will swear. I don’t know what is the matter with the umbrella.”

“You have been playing tricks with it at the office; you have been playing the fool and opening it, to show it off!” she screamed.

“I only opened it once, to let them see what a nice one it was, that is all, I swear.”

 

4. La cantatrice chauve d’Eugène Ionesco

 

Mme SMITH : Cependant, la soupe était peut-être un peu trop salée. Elle avait plus de sel que toi. Ah, ah, ah. Elle avait aussi trop de poireaux et pas assez d’oignons. Je regrette de ne pas avoir conseillé à Mary d’y ajouter un peu d’anis étoile. La prochaine fois, je saurai m’y prendre.

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

Mme. SMITH : Notre petit garçon aurait bien voulu boire de la bière, il aimera s’en mettre plein la lampe, il te ressemble. Tu as vu à table, comme il visait la bouteille? Mais moi, j’ai versé dans son verre de l’eau de la carafe. Il avait soif et il l’a bue. Hélène me ressemble : elle est bonne ménagère, économe, joue du piano. Elle ne demande jamais à boire de la bière anglaise. C’est comme notre petite fille qui ne boit que du lait et ne mange que de la bouillie. Ça se voit qu’elle n’a que deux ans. Elle s’appelle Peggy.  La tarte aux coings et aux haricots a été formidable. On aurait bien fait peut-être de prendre, au dessert, un petit verre de vin de Bourgogne australien mais je n’ai pas apporté le vin à table afin de ne pas donner aux enfants une mauvaise preuve de gourmandise. Il faut leur apprendre à être sobre et mesuré dans la vie.

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

Mme. SMITH : Mrs Parker connaît un épicier roumain, nommé Popes co Rosenfeld, qui vient d’arriver de Constantinople. C’est un grand spécialiste en yaourt. Il est diplômé de l’école des fabricants de yaourt d’Andrinople. J’irai demain lui acheter une grande marmite de yaourt roumain folklorique. On n’a pas souvent des choses pareilles ici, dans les environs de Londres.

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

Mme. SMITH : Le yaourt est excellent pour l’estomac, les reins, l’appendicite et l’apothéose. C’est ce que m’a dit le docteur Mackenzie-King qui soigne les enfants de nos voisins, les Johns. C’est un bon médecin. On peut avoir confiance en lui. Il ne recommande jamais d’autres médicaments que ceux dont il a fait l’expérience sur lui-même. Avant de faire opérer Parker, c’est lui d’abord qui s’est fait opérer du foie, sans être aucunement malade.

M. SMITH : Mais alors comment se fait-il que le docteur s’en soit tiré et que Parker en soit mort?

Mme SMITH : Parce que l’opération a réussi chez le docteur et n’a pas réussi chez Parker.

M. SMITH : Alors Mackenzie n’est pas un bon docteur. L’opération aurait dû réussir chez tous les deux ou alors tous les deux auraient dû succomber.

Mme. SMITH : Pourquoi?

M. SMITH : Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s’ils ne peuvent pas guérir ensemble.  Le commandant d’un bateau périt avec le bateau, dans les vagues. Il ne lui survit pas.

Mme. SMITH : On ne  peut  comparer un malade  à un bateau.

M. SMITH : Pourquoi pas? Le bateau a aussi ses maladies; d’ailleurs ton docteur est aussi sain qu’un vaisseau; voilà pourquoi encore il devait périr en même temps que le malade comme le  docteur et  son bateau.

Mme. SMITH : Ah! Je n’y avais pas pensé… C’est peut-être juste… et alors, quelle conclusion en tires-tu?

M. SMITH : C’est que tous les docteurs ne sont que des charlatans. Et tous les malades aussi. Seule la marine est honnête en Angleterre.

Mme. SMITH : Mais pas les marins.

M. SMITH : Naturellement.

Pause.

M. SMITH, toujours avec son journal.  Il y a une chose que je ne comprends pas. Pourquoi à la rubrique de l’état civil, dans le journal, donne-t-on toujours l’âge des personnes décédées et jamais celui des nouveau-nés? C’est un non-sens.

Mme. SMITH : Je ne me le suis jamais demandé!

Un autre moment de silence. La pendule sonne sept fois. Silence. La pendule sonne trois fois. Silence. La pendule ne sonne aucune fois.

 

 

Interview  avec Eugène Ionesco  Partie 1

 

 

Interview  avec Eugène Ionesco  Partie 2

 

 

Interview  avec Eugène Ionesco  Partie 3

 

 

 

 Texte intégral : Extrait choisi de la page 3-5

 

5. L’Amant – Marguerite DURAS

“L’Amant” est le récit de l’enfance et de l’adolescence de Marguerite Duras en Indochine française. Les années passées au lycée français de Saïgon la rencontre avec un jeune chinois, les amours interdites. Elle est adolescente, il a une quinzaine années de plus qu’elle, ils vont s’aimer et se posséder.

Dans ce texte, Duras revient sur ses études, sur sa vie à Saïgon, sur les difficultés éprouvées par sa mère pour faire bouillir la marmite familiale, la propriété qu’elle possède au Cambodge se révélant être une terre incultivable (Duras raconte cette concession dans “Un barrage contre le Pacifique”, en 1950).

La rencontre du riche Chinois

La scène se passe en Indochine, à l’époque coloniale au début du XX ème siècle. La narratrice, une jeune fille d’origine française est âgée alors de quinze ans et demi s’apprête à traverser le fleuve, sur le débarcadère. Là, elle est abordée par un jeune et riche Chinois. Pensionnaire à Saigon, elle prend le bac pour rejoindre sa mère à Sadec, sur le fleuve Mékong. Alors qu’elle s’apprête à traverser le fleuve, sur le débarcadère, elle est abordée par un jeune et riche Chinois.

L’extrait

 

Marguerite Duras

Interview chez elle

 Nuit blanche Marguerite Duras

Cette soirée a été réalisée en partenariat avec Le Point et La Montagne, et en collaboration avec l’IMEC.

6. Paul Verlaine

Chanson d’automne

 

Les sanglots longs

Des violons

De l’automne

Blessent mon cœur

D’une langueur

Monotone.

 

Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l’heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure

 

Et je m’en vais

Au vent mauvais

Qui m’emporte

Deçà, delà,

Pareil à la

Feuille morte.

 

 

Chantée par Léo Ferré

 

Il pleure dans mon cœur

 

Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville ;

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon cœur ?

 

Ô bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits !

Pour un cœur qui s’ennuie,

Ô le chant de la pluie !

 

Il pleure sans raison

Dans ce cœur qui s’écœure.

Quoi ! nulle trahison ?…

Ce deuil est sans raison.

 

C’est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine

Mon cœur a tant de peine !

 

 

 

 

Le ciel est par-dessus le toit

 

Le ciel est, par-dessus le toit,

Si bleu, si calme !

Un arbre, par-dessus le toit,

Berce sa palme.

 

La cloche, dans le ciel qu’on voit,

Doucement tinte.

Un oiseau sur l’arbre qu’on voit

Chante sa plainte.

 

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là

Simple et tranquille.

Cette paisible rumeur-là

Vient de la ville.

 

Qu’as-tu fait, ô toi que voilà

Pleurant sans cesse,

Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,

De ta jeunesse ?

 

 

7. Les Misérables –  Victor Hugo

L’évêque travaille

 Dans ce chapitre intitulé «L’évêque travaille», Jean Valjean, un ancien bagnard ayant volé de l’argenterie chez un évêque qui l’avait accueilli, est arrêté par les gendarmes et ramené chez le clerc. Cependant ce dernier ne le blâme pas, ne le dénonce pas ; il ment au contraire pour le protéger, lui donne ses couverts et ses chandeliers d’argent, lui offre son aide.
Cette étude présente dans un premier temps le personnage singulier de l’évêque et la sympathie qu’il attire, puis, dans un deuxième temps, elle montre en quoi Jean Valjean est un personnage représentatif des «misérables».

 Le lendemain, au soleil levant, monseigneur Bienvenu se promenait dans son jardin. Madame Magloire accourut vers lui toute bouleversée.

 – Monseigneur, monseigneur, cria-t-elle, votre grandeur sait-elle où est le panier d’argenterie?

 – Oui, dit l’évêque.

 – Jésus-Dieu soit béni! reprit-elle. Je ne savais ce qu’il était devenu.

 L’évêque venait de ramasser le panier dans une plate-bande. Il le présenta à madame Magloire.

 – Le voilà.

 – Eh bien? dit-elle. Rien dedans! et l’argenterie?

 – Ah! repartit l’évêque. C’est donc l’argenterie qui vous occupe? Je ne sais où elle est.

 – Grand bon Dieu! elle est volée! C’est l’homme d’hier soir qui l’a volée!

 En un clin d’oeil, avec toute sa vivacité de vieille alerte, madame Magloire courut à l’oratoire, entra dans l’alcôve et revint vers l’évêque. L’évêque venait de se baisser et considérait en soupirant un plant de cochléaria des Guillons que le panier avait brisé en tombant à travers la plate-bande. Il se redressa au cri de madame Magloire.

 – Monseigneur, l’homme est parti! l’argenterie est volée!

 Tout en poussant cette exclamation, ses yeux tombaient sur un angle du jardin où l’on voyait des traces d’escalade. Le chevron du mur avait été arraché.

 – Tenez! c’est par là qu’il s’en est allé. Il a sauté dans la ruelle Cochefilet! Ah! l’abomination! Il nous a volé notre argenterie!

 L’évêque resta un moment silencieux, puis leva son oeil sérieux, et dit à madame Magloire avec douceur:

 – Et d’abord, cette argenterie était-elle à nous?

 Madame Magloire resta interdite. Il y eut encore un silence, puis l’évêque continua:

 – Madame Magloire, je détenais à tort et depuis longtemps cette argenterie. Elle était aux pauvres. Qu’était-ce que cet homme? Un pauvre évidemment.

 – Hélas Jésus! repartit madame Magloire. Ce n’est pas pour moi ni pour mademoiselle. Cela nous est bien égal. Mais c’est pour monseigneur. Dans quoi monseigneur va-t-il manger maintenant?

 L’évêque la regarda d’un air étonné.

 – Ah çà mais! est-ce qu’il n’y a pas des couverts d’étain?

 Madame Magloire haussa les épaules.

 – L’étain a une odeur.

 – Alors, des couverts de fer.

 Madame Magloire fit une grimace significative.

 – Le fer a un goût.

 – Eh bien, dit l’évêque, des couverts de bois.

 Quelques instants après, il déjeunait à cette même table où Jean Valjean s’était assis la veille. Tout en déjeunant, monseigneur Bienvenu faisait gaîment remarquer à sa soeur qui ne disait rien et à madame Magloire qui grommelait sourdement qu’il n’est nullement besoin d’une cuiller ni d’une fourchette, même en bois, pour tremper un morceau de pain dans une tasse de lait.

 – Aussi a-t-on idée! disait madame Magloire toute seule en allant et venant, recevoir un homme comme cela! et le loger à côté de soi! et quel bonheur encore qu’il n’ait fait que voler! Ah mon Dieu! cela fait frémir quand on songe!

 Comme le frère et le soeur allaient se lever de table, on frappa à la porte.

 – Entrez, dit l’évêque.

 La porte s’ouvrit. Un groupe étrange et violent apparut sur le seuil. Trois hommes en tenaient un quatrième au collet. Les trois hommes étaient des gendarmes; l’autre était Jean Valjean.

 Un brigadier de gendarmerie, qui semblait conduire le groupe, était près de la porte. Il entra et s’avança vers l’évêque en faisant le salut militaire.

 – Monseigneur… dit-il.

 A ce mot Jean Valjean, qui était morne et semblait abattu, releva la tête d’un air stupéfait.

 – Monseigneur! murmura-t-il. Ce n’est donc pas le curé?…

 – Silence! dit un gendarme. C’est monseigneur l’évêque.

 Cependant monseigneur Bienvenu s’était approché aussi vivement que son grand âge le lui permettait.

 – Ah! vous voilà! s’écria-t-il en regardant Jean Valjean. Je suis aise de vous voir. Et bien mais! je vous avais donné les chandeliers aussi, qui sont en argent comme le reste et dont vous pourrez bien avoir deux cents francs. Pourquoi ne les avez-vous pas emportés avec vos couverts?

 Jean Valjean ouvrit les yeux et regarda le vénérable évêque avec une expression qu’aucune langue humaine ne pourrait rendre.

 – Monseigneur, dit le brigadier de gendarmerie, ce que cet homme disait était donc vrai? Nous l’avons rencontré. Il allait comme quelqu’un qui s’en va. Nous l’avons arrêté pour voir. Il avait cette argenterie…

 – Et il vous a dit, interrompit l’évêque en souriant, qu’elle lui avait été donnée par un vieux bonhomme de prêtre chez lequel il avait passé la nuit? Je vois la chose. Et vous l’avez ramené ici? C’est une méprise.

 – Comme cela, reprit le brigadier, nous pouvons le laisser aller?

 – Sans doute, répondit l’évêque.

 Les gendarmes lâchèrent Jean Valjean qui recula.

 – Est-ce que c’est vrai qu’on me laisse? dit-il d’une voix presque inarticulée et comme s’il parlait dans le sommeil.

 – Oui, on te laisse, tu n’entends donc pas? dit un gendarme.

 – Mon ami, reprit l’évêque, avant de vous en aller, voici vos chandeliers. Prenez-les.

 Il alla à la cheminée, prit les deux flambeaux d’argent et les apporta à Jean Valjean. Les deux femmes le regardaient faire sans un mot, sans un geste, sans un regard qui pût déranger l’évêque.

 Jean Valjean tremblait de tous ses membres. Il prit les deux chandeliers machinalement et d’un air égaré.

 – Maintenant, dit l’évêque, allez en paix.

 – A propos, quand vous reviendrez, mon ami, il est inutile de passer par le jardin. Vous pourrez toujours entrer et sortir par la porte de la rue. Elle n’est fermée qu’au loquet jour et nuit.

 Puis se tournant vers la gendarmerie:

 – Messieurs, vous pouvez vous retirer.

 Les gendarmes s’éloignèrent.

 Jean Valjean était comme un homme qui va s’évanouir.

 L’évêque s’approcha de lui, et lui dit à voix basse:

 – N’oubliez pas, n’oubliez jamais que vous m’avez promis d’employer cet argent à devenir honnête homme.

 Jean Valjean, qui n’avait aucun souvenir d’avoir rien promis, resta interdit. L’évêque avait appuyé sur ces paroles en les prononçant. Il reprit avec une sorte de solennité:

 – Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien. C’est votre âme que je vous achète; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition, et je la donne à Dieu.

Les misérables  Le Film

 

Le film en anglais l’extrait au commencement

Film en FRANCAIS

 

1. Qui a volé l’argenterie de l’évêque?

2. Qui a découvert le crime?

3. Où l’évêque était-il quand madame Magloire lui a annoncé que l’argenterie avait été volée?

4. Avec qui l’évêque a-t-il pris le petit déjeuner?

5. Qui a frappé à la porte quand l’évêque se levait de table?

6. Avec qui les gendarmes étaient-ils?

7. Pourquoi l’évêque n’avait-il pas besoin de l’argenterie?

8. Pourquoi l’évêque a-t-il dit: «Je suis aise de vous voir» à Jean Valjean quand il est entré avec les gendarmes?

9. Pourquoi les gendarmes ont-ils arrêté Jean Valjean?

10. Pourquoi les gendarmes l’ont-ils laissé partir?

11. Pourquoi l’évêque donne-t-il les chandeliers à Jean Valjean?

 

 

 

8. Le médecin malgré lui  de  Molière

Pour se venger des brutalités de son époux, une femme astucieuse le fait passer pour un excellent médecin qui ne consent toutefois à exercer son art que dûment rossé. Une jeune fille muette et amoureuse, affligée d’un père tyrannique a précisément besoin de soins.

 

 

 


5 thoughts on “Littérature, Extraits”

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